Test : Solo : Islands of the Heart sur Nintendo Switch

Solo : Islands of the Heart

Genres : Aventure, réflexion, casse-tête
Langues : Anglais, Espagnol, Français, Japonais, Chinois
Développé par Team Gotham
Édité par Merge Games
Sortie France : 01/08/2019
Prix : 19,99€ sur l’eShop
Taille : 1475,35 Mo
Joueurs : 1
Age minimum : 12

Site Web Officiel

L’amour est certes un long fleuve tranquille, mais il finit par rejoindre un océan qui peut parfois se montrer tumultueux. Au gré d’un périple intérieur en quête de ses sentiments profonds, le joueur incarne un personnage intrigué par ses passions et qui, le temps d’une virée en bateau, trouvera peut-être réponse aux questions que lui dicte son cœur. Focus sur un joli petit jeu de plateforme sensible et poétique qui confronte le joueur à la complexité de son “moi” intime, à l’acceptation de l’altérité, mais aussi à quelques petits casses-têtes qui agiteront ses neurones !

Dès le début du soft, et c’est assez surprenant pour être mentionné, Solo : Islands of the Heart nous demande de choisir notre genre : féminin, masculin ou non-binaire ! Un parti pris moderne et plutôt osé qui ne manquera pas d’alimenter divers débats plus ou moins productifs. Toujours est-il que l’existence d’un choix aussi ouvert promet une narration sur-mesure (C’est tout du moins l’impression véhiculée par les cinq premières minutes de l’expérience, mais celle-ci mérite d’être nuancée). Même constat lorsque le jeu nous sonde quant à nos préférences sexuelles, puisque nous pouvons opter pour les genres masculin, féminin, non-binaire ou… aucun de ceux-là ! Ce paramétrage aura une petite incidence sur les questions à choix multiples qui rythmeront l’aventure et s’intercaleront entre les différentes phases de plateforme. Par exemple, il nous sera demandé si nous pensons qu’il est possible de passer une vie entière avec la même personne, et trois pistes s’offriront à nous. Malgré tout, nous avons constaté que les interrogatoires étaient assez orientés (difficile de se sentir concerné lorsque l’on est célibataire ou asexuel). En outre, l’objet de nos désirs est représenté(e) par un avatar fantomatique bleu qui a tendance à entrer en contradiction avec notre opinion, quelle qu’elle soit, si bien que l’on a souvent l’impression que les développeurs ont opté pour une confrontation totale et non une adéquation entre deux points de vue potentiellement complémentaires. Il s’agit probablement d’une volonté de faire sortir le joueur de sa zone de confort afin de l’encourager à prendre du recul sur sa propre conception de l’amour ; pourtant, il nous a semblé que le jeu s’escrimait à nous faire adopter une vision anti-traditionnaliste des relations conjugales. Par exemple, notre bien-aimé(e) n’aura de cesse de remettre en question notre idéal d’un amour unique en nous demandant si nous pensons VRAIMENT le(la) rendre heureux(se) en le(la) gardant pour nous et si l’amour ne consiste pas, au contraire, en une découverte permanente de nouveaux horizons. Dès lors, il arrive que le jeu se perde dans un propos assez subjectif, là où il serait probablement plus adroit de rester sur des questions plus ouvertes en permettant au joueur de cheminer de lui-même.

Aussi, et en totale contradiction avec son nom, Solo est un jeu qu’il est intéressant de parcourir en couple, ne serait-ce que pour appréhender deux visions connexes d’une même problématique. D’autant plus que le soft regorge de pages déchirées contenant des écrits philosophiques dont la traduction a joui d’un soin très particulier.

Mais le coeur du gameplay n’est ni textuel, ni sexuel et encore moins sensuel puisqu’il s’agit avant tout d’un jeu de réflexion parsemé de casse-têtes ! Notre avatar poursuit ainsi sa quête émotionnelle en égrainant les heures et les îles afin de s’entretenir avec des totems. Ces derniers sont activables par le biais de phares qu’il faut rejoindre en déplaçant divers blocs. Au début, le petit pèlerin ne pourra compter que sur la force de ses bras, mais il sera vite assisté d’une baguette magique afin de déplacer les cubes à distance. Ces volumes pourront se décliner en de nombreuses versions, tels que le cube ventilateur ou le bloc télescopique qui crée des ponts de fortune afin d’enjamber les précipices. Aussi, il faut noter que des objectifs secondaires enrichissent la progression, parmi lesquels le contentement (ou non!) d’adorables animaux qu’il faudra tantôt nourrir, tantôt rassembler en concrétisant des petits passages qui combleront le vide les séparant.

L’expérience est assez aisée à prendre en main, même si elle nécessite un léger temps d’adaptation afin de s’approprier les commandes. Le pivotement des blocs est parfois délicat, de même que leur déplacement lorsqu’ils sont trop éloignés de l’avatar. Aussi, il arrive que le joueur doive lutter avec une caméra capricieuse, ce qui peut sembler surprenant au vu de l’ouverture des environnements. Ce problème est décuplé dans les (heureusement rares) lieux clos. Enfin, soulignons le manque de variété dans la résolution des énigmes en début d’aventure, qui peut rapidement ouvrir sa porte à la lassitude, même si l’ambiance très reposante du titre parvient à plaider sa cause aux yeux du joueur.

Graphiquement, Solo : Islands of the Heart est assez intrigant, puisque son esthétique enfantine cadre finalement assez mal avec le propos résolument adulte de son questionnement ! Il n’y a qu’à voir l’incrédulité des joueurs devant les différents trailers du jeu pour s’en convaincre, et qui ne comprennent pas comment un soft si féérique peut se targuer d’un PEGI 12 agrémenté d’un encart “contenu sexuel” ! Toutefois, il réside dans cet univers foisonnant de couleurs marines une poésie que soutient une bande-son apaisante malgré sa répétitivité. L’impression de voyager prédomine sans jamais s’effacer, et au cœur de ce jeu indépendant résonne parfois un doux écho de Wind Waker, sans le génie de la firme de Kyoto (si l’on excepte quelques casse-têtes fort bien sentis dans la dernière partie de l’aventure, et qui jouent notamment sur les couleurs et les ombres).

Mais nous sommes bien obligés de pointer du doigt la technique souffreteuse de l’œuvre, notamment en termes de stabilité et de résolution. Chaque passage d’une île à une autre occasionne un très éphémère micro-freeze (peut-être dû à la sauvegarde automatique) tandis que le framerate semble rarement dépasser les 20 à 25 fps. Un comble pour une réalisation graphique si modeste ! Quant à la netteté de l’image, elle pâtit du passage au petit écran, et l’aliasing est assez prononcé. Rien de bien dommageable mais l’expérience demeure plus gratifiante en mode docké !

Solo : Islands of the Heart constitue une expérience assez courte mais néanmoins intéressante et à la progressivité maîtrisée. La difficulté des énigmes est croissante et le joueur est rarement frustré par un obstacle obstruant son pèlerinage. Les quelques à-côtés permettent de diversifier l’aventure même si l’aide apportée aux différents animaux peuplant les ilots n’a pas d’influence concrète sur la complétion du titre. Permissif, le soft octroie toujours l’option de réinitialiser un niveau trop alambiqué et seules quelques chutes dans l’océan auront tendance à rallonger inutilement nos pérégrinations, tant le fait de regagner le rivage s’illustre par sa lenteur !

Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit-là d’une expérience unique et que le titre ne prétend à aucune rejouabilité tant son propos s’avère intime et adaptable à l’expérience de chacun. On regrettera cependant que seules les questions varient selon nos choix initiaux, et que le level-design ne découle aucunement de ce cheminement. Peut-être les développeurs auraient-ils pu opter pour une construction des niveaux qui soit en osmose avec le message véhiculé et impactée par nos choix ? Par exemple, Psychonauts excellait dans cet art de lier l’univers d’un niveau à la psyché des protagonistes, en jouant notamment sur l’esthétique, les formes et les couleurs : une telle adaptabilité aurait permis  à Solo : Islands of the Heart d’accoucher d’une expérience à la fois singulière et plurielle !

Véritable voyage poétique au gré des sentiments humains, Solo : Islands of the Heart permet au joueur de se confronter à un questionnement intime et profond. Toutefois, la poésie de son propos et la finesse de ses réflexions philosophiques prennent le risque de se perdre dans l’océan de ses couleurs chatoyantes et enfantines qui pourraient tromper plus d’un joueur ! Alternant entre des casse-têtes trop classiques et d’autres plus judicieux, le titre jongle parfois entre deux univers qu’il marie artificiellement pour se revendiquer du milieu vidéoludique. Toutefois, nous lui pardonnerons ses quelques errances en hommage à la bouffée d’air frais dont il tente de gorger nos poumons, même si les développeurs ont eu cette fâcheuse tendance à implémenter un gouvernail sur un navire que l’on aurait souhaité plus libre de ses pérégrinations !

Test réalisé par Yorick sur une version offerte par l’éditeur
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